Jan Martens danse l’exubérance d’Elisabeth Chojnacka

<strong>Jan Martens danse l’exubérance d’Elisabeth Chojnacka <strong>

La plateau immaculé, sur lequel Jan Martens s’échauffe pendant l’entrée du public dans la salle comporte un portant sur lequel plusieurs costumes attendent d’habiller le chorégraphe néerlandais. Derrière lui, un immense écran s’apprête à projeter les archives filmées d’Elisabeth Chojnacka, claveciniste hors pair, incandescente, disparue en 2017. Pour cette première pièce présentée au festival Actoral, Martens choisit un solo exigeant, en sept danse, autant de tenues et une partition mouvante.

Juste après un premier extrait vidéo, dans lequel Elisabeth Chojnacka est immortalisée, ce n’est pourtant pas une illustration de sa musique, que propose Jan Martens, mais une formidable interprétation de ce que son écoute peut procurer. Lancé dans des boucles rythmiques et des cycles lancinants, épousant les variations du clavecin fou, il donne corps à l’exubérance et la virtuosité de l’artiste polonaise. Et pour ce faire, Martens change continuellement d’atours, transforme sa danse comme l’on retourne un savant jeu de cartes dans une partie serrée . Espiègle dans un collant et une chemise mousquetaire, exaltée dans un mini slip pailleté ou technicienne dans le plus simple appareil, elle occupe tout l’espace, éclaire.

Tout seul et traversé par différents états au fil des morceaux frénétiques ou dramatiques, Jan Martens révèle les formes et les couleurs des sons joués par Elisabeth Chojnacka. Sa manière à lui distille une série de crochets du droit sur les accents les plus lourds de la musique et des tourbillons quand les notes s’envolent. Son solo flamboyant relève d’une superbe performance physique, au delà de l’intelligence de sa traduction du clavecin de Chojnacka en langage chorégraphique.

Sa cartographie mentale nivelée par la répétition des motifs et mouvements, rejoint celle de Lucinda Childs, dont le nom est évoqué dans une archives vidéo de la claveciniste, qui fut directrice musicale de sa compagnie. La danse pour la danse, abreuvée par la musique lancinante, cyclique, constante entre le minimalisme de Childs et la rigueur hallucinée de Jan Martens, donne le vertige.

Parce qu’en dépit des corps qui ne sont plus, le mouvement du chorégraphe réactive et transcende l’ordre du simple souvenir. Ni rituel, ni cérémonie hommage, son solo revêt des accents sorciers, dont les incantations hypnotisent, jusqu’à la dernière seconde. Plus loin que l’exercice de style ou la gageure chorégraphique, Jan Martens signe une véritable déclaration d’amour à Elisabeth Chojnacka, qu’il ramène, en virevoltant, à la vie et sur scène.



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