Nos frangins au Cinemed

<strong>Nos frangins au Cinemed<strong>

Pour ce 44ème Cinemed, Rachid Bouchareb revient avec un nouveau film historique qui fait particulièrement écho à l’actualité. Après Indigènes et Hors-la-loi, qui se penche sur la lutte pour l’indépendance en Algérie, Nos frangins retrace un aspect contemporain de l’histoire de l’immigration. Ce film revient sur les morts de Malik Oussekine mais aussi d’Abdel Benyahia, tués par la police la nuit du 6 décembre 1986. « J’ai un vécu lié à ça. Mais je ne plonge pas dans des univers que je ne connais pas. J’ai des souvenirs et des témoignages pour réaliser des films comme Indigènes ou Hors la loi. J’ai plein de sujets dont j’ai envie de parler« , confie Rachid Bouchareb en conférence de presse au Cinemed. Il aborde une nouvelle génération de l’histoire algérienne de la France. Ce qui permet d’explorer les crimes racistes, les violences policières et les mensonges politiques.

Crimes d’Etat

Le film Nos frangins aborde deux histoires parallèles. Malik Oussekine, dont le nom reste associé aux violences d’État depuis 1986. Mais aussi Abel, assassiné dans l’anonymat par un policier en civil à la sortie d’un bar. « Je trouvais que c’était aussi important de parler d’Abdel que de Malik« , souligne Rachid Bouchareb. Ce qui permet de sortir Abdel de l’anonymat. Les contextes des deux assassinats diffèrent. Malik Oussekine est tabassé par des policiers en marge d’une manifestation étudiante contre la loi Devaquet. Dans un contexte de cohabitation, les partis de gauche et le président Mitterrand se saisissent immédiatement de cette mort pour dénoncer le gouvernement de droite. Les voltigeurs, policiers à moto, sont particulièrement dénoncés. La gestion du maintien de l’ordre par le ministre de l’intérieur Charles Pasqua reste controversée. Abdel est tué par un policier alcoolisé qui n’est même pas dans l’exercice de ces fonctions. Ce banal crime raciste tombe immédiatement dans l’oubli.

Le film de Rachid Bouchareb évoque également le combat des familles de Malik et d’Abdel. Les clivages de classe jouent un rôle majeur. « Le père ressemble à la majorité de cette première génération qui rasait les murs. Au contraire, le frère de Malik possède sa propre entreprise. C’est deux tempéraments différents« , décrit le réalisateur. Le père d’Abdel semble dépassé, et même méprisé par le policier auquel il demande des explications. « Quand l’autorité de l’Etat s’adressait à un colonisé, elle n’avait aucune crainte« , indique Rachid Bouchareb. Au contraire, le frère de Malik, interprété par Reda Kateb, connaît bien la loi. Il engage maître Kiejman, ténor du barreau proche des socialistes pour dénoncer le meurtre de Malik. Le frère d’Abdel se méfie de la version policière. Malgré sa révolte, il dispose de moins de ressources pour faire vivre la mémoire de son frère. 

Histoire et actualité

Rachid Bouchareb propose un film au plus près de la réalité. De véritables images de journaux télévisés de l’époque s’intègrent dans la reconstitution historique. « Les archives, c’est ce que je regardais à la télé. Les présentateurs font partie de la famille. Ils s’invitent dans notre salon« , souligne le réalisateur. Les scènes de fiction sont tournées avec des caméras des années 1980 pour renforcer la dimension documentaire.
Ces images font écho à l’actualité avec des dirigeants politiques qui minimisent leur responsabilité, les violences policières et cherchent à retourner l’accusation contre les manifestants. « Le discours politique de l’époque est très proche de ce qu’on a aujourd’hui. Pasqua, Chirac et Mitterrand sont devenus des seconds rôles du film« , analyse Rachid Bouchareb.

L’Etat prend ouvertement le parti de sa police. La justice et les autorités cherchent avant tout à discréditer les victimes. »Le travail du juge, c’est de trouver toutes les casseroles possibles. L’enquête ne se penche pas sur la police mais sur les victimes« , souligne Rachid Bouchareb. Nos frangins permet surtout de se remémorer d’un mouvement d’ampleur contre les violences policières. « C’est la première fois qu’une victime de violence policière a un nom. Il y a des manifestations pour Malik dans de nombreuses villes de France« , rappelle le cinéaste. Même si de nombreux anonymes ont été tués dans l’indifférence. Son film permet d’évoquer une histoire récente pour réfléchir et débattre sur la société actuelle.

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