La Villa de Guédiguian ressuscite un paradis perdu

La Villa de Guédiguian ressuscite un paradis perdu

Peu de cinéastes ont immortalisé la Méditerranée comme l’a fait Robert Guédiguian. Par son cadrage resserré sur un lieu filmé en huis clos, il a réalisé La Villa, dans cette optique, documentaire et poétique.

Tourné en deux mois dans la calanque du Méjean, son 20ème long métrage bénéficie de la beauté brute de l’hiver, quand les touristes ont disparus de la Méditerranée. Il y est question d’une temporalité longue, qui réunit une soeur et ses deux frères dans la maison familiale où le père s’apprête à mourir. Rien de funèbre malgré les souvenirs douloureux et le présent compliqué, mais de la vie partout.

Dans chaque plan, dans chaque parcelle filmée de cette calanque, l’eau, la lumière et les voix s’infiltrent, prouvent que la résilience façonne l’homme qui est au monde. Le réalisateur, qui reconnait une paternité avec Pagnol, « mais un Pagnol de gauche », lors de sa conférence de presse au festival Cinemed, pose en creux la question de la transmission générationnelle. Avec ses pertes et ses oublis, la générations née après-guerre, au début des Trente Glorieuses, fait face à l’échec de la société contemporaine.

Mais certaines terres résistent mieux au temps que d’autre, malgré les convoitises multiples. L’éphémère de cet ordinaire dont jaillit une beauté extraordinaire façon arte povera, apparaît particulièrement quand le personnage d’une belle soeur aussi vaine que cupide veut transformer l’humble quartier en repère branché. Incarnée par Anaïs Demoustier, elle-même cliché ambulant de la pâle Parisienne convaincue de représenter la quintessence du bon goût, la jeune femme ânonne des propositions idiotes, notamment celle de transformer le restaurant familial en table trendy, dont elle assurera la communication.

Subtilement, Guédiguian déroule une histoire méridionale, où la Méditerranée unit ceux qui y sont perméables. Ariane Ascaride, sublime de tragique et d’élan passionnel, Jean-Pierre Daroussin et Gérard Meylan forment à l’écran un trio remarquable, dont le jeu pudique et instinctif fait mouche. Il en va de même pour Robinson Stévenin, qui excelle dans le rôle d’amoureux transi, capable de soulever des montagnes

Entre drame et renouveau, il immortalise la vitalité d’un rivage sans cesse renouvelé, entre flots et garrigues. Ses flashbacks, solaires, retournent le coeur alors que son présent de narration pousse les personnages à surmonter ce qui s’en va. Guédiguian intègre les menus détails du quotidien, sans les alourdir, sans s’appesantir dessus. Il parvient à créer un miroir fidèle de cette existence épicurienne, qui persiste encore dans quelques enclaves de paradis. Le crescendo vital, intègre en fin de parcours, trois enfants migrants, qui bouleverse sans pathos ni angélisme, la vie de ceux qui ont déjà vécu et pas fini de vivre. La dernière scène, où tout tremble et palpite, constitue à elle-seule une pépite du cinéma. Elle rappelle avec une force véritable, comme un refrain autrefois célèbre, que c’est beau la vie.

 



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