De Kate Bush à Juliette Armanet, la chanson et les femmes lettrées

De Kate Bush à Juliette Armanet, la chanson et les femmes lettrées

Malgré le vocodeur de Katy, des arrangements bidouillés pour Miley et des postures aguicheuses de Rihanna l’industrie du disque moderne n’a pas toujours pêché par orgueil et instinct primaire. Elle a aussi sanctuarisé un territoire où semble se retrouver quelques prêtresses de la musique, enveloppées dans les étoffes d’une écriture audacieuse, de partitions bien senties et de clips décalés, parfois franchement engagés.

Qui sont ces compositeurs-interprètes qui ont cassé les codes de la chanteuse doucereuse? Magmaa en a déniché trois, dont le point commun réside dans une faculté à expliciter un point de vue féminin singulier, dans le fond comme la forme.

 

1. Kate Bush, l’avant gardiste baroque

Quand elle voit un téléfilm adapté des Hauts de Hurvelent à la télévision anglaise, Kate se jette sur le roman d’Emily Brontë et en extirpe de multiples citations : « Let me in! I’m so cold! ». Le titre Wuthering Heights est écrit en l’espace d’une nuit, en 1977. Kate Bush n’hésite pas à verser dans une atmosphère gothique, se confondant avec le fantôme de l’héroïne Catherine Earnshaw. Un choix assumé, qui va faire florès.

Contre l’avis de sa maison de disque, Bush impose la mise en avant du titre. Forte tête et flair aiguisé, elle tourne deux clips différents dont celui tourné dans la lande, en robe rouge, devient un phénomène. Sur une chorégraphie de Lindsay Kemps (qui a fait danser Bowie), la jeune femme s’illustre entre élégance et audace, devient par la même occasion une icône postmoderne. Au point que des Most Wutherings Heights day ever, fleurissent aujourd’hui aux quatre coins du monde.

Mais Kate, sa voix haut perchée et ses expressions complètement lyriques, demeurent la marque d’une énergie créative jusque là rarement égalée.

 

2. Tori Amos, la New-Yorkaise engagée

Tori Amos n’a jamais contourné les sujets compliqués. Derrière son piano, la chanteuse américaine effrayaient les producteurs, plus habitués aux starlettes pourfendant la scène. C’est en Europe que sont finalisés ses titres les plus marquants. Son album Under the Pink, est d’ailleurs sacré comme l’un des meilleurs des années 90 par le magazine Rolling Stones.

Y figure le single Cornflake Girl, étonnante dénonciation des violences faites aux femmes par des femmes. Amos compare la quantité de cornflakes dans un paquet de céréales et le peu de raisins que l’on y trouve, à la profusion de filles lâches et au faible contingent de filles courageuses. Dès le début du titre, sur des notes de piano enlevées, Tori Amos martèle : « Never was a cornflake girl », exprimant son mépris de la trahison entre femmes.

Le premier clip tourné, montre explicitement le pouvoir de nuisance des cornflakes sur les raisins, trop peu nombreuses pour résister efficacement. Un sujet depuis, jamais abordé en musique.

 

3. Juliette Armanet, la mélancolique jouant sur les maux

Non sans une dose d’ironie, l’ex journaliste qui a explosé cette année avec son album Petite Amie, utilise à l’envi les lieux communs, poncifs et stéréotypes du vocabulaire amoureux. Il y a du slow, du roméo, des flots, de la plage, des prénoms de garçons et effets de piano-voix à tomber. Son titre A la folie, résonne comme un coda génial, alors que L’amour en solitaire vient chercher le charme désuet des ritournelles amoureuses.

C’est follement écrit et inspiré, pas prétentieux mais un cliquet au dessus de ce que fait habituellement la chanson française. Armanet s’écoute mot après maux, façon contemplation.

 



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