Les bas fonds émergent au Printemps des Comédiens

Les bas fonds émergent au Printemps des Comédiens

Une société des marges, de la misère et de la révolte exprime un théâtre politique lors de la 31ème édition du Printemps des Comédiens. Eric Lacascade adapte l’écrivain russe Maxime Gorkiavec avec  Les bas-fonds. Cette pièce, jouée en plein air dans l’amphithéâtre d’O à Montpellier, fait écho à la société actuelle. Voilà un théâtre prolétarien qui a incité à la révolte et inspiré Berthold Brecht. L’histoire mêle amours, jalousie et morts dans une veine classique, parfois languissante. Mais c’est surtout la description implacable d’une société de classes qui attire l’attention. Les bas fonds brosse le portrait d’une communauté incarnée par des personnages issus des marges et des classes populaires.

Maxime Gorki est le grand écrivain russe qui annonce la révolution de 1905 et surtout de 1917. Il décrit cette classe ouvrière au bord de la révolte. Il ausculte un monde d’injustices. Cette poudrière sociale fait écho à la situation actuelle avec ses masses de chômeurs et de précaires dans un contexte de crise économique. Eric Lacascade propose un décor de friche, épuré, avec tôle ondulée et rideau de plastique. On imagine aisément la rue, les squats voire les pieds d’une tour HLM.

Les personnages sur scène incarnent la diversité des classes sociales. L’ouvrier continue de taper avec son marteau. Son travail semble vide de sens, mais il revendique la dignité et la morale du travail. Les autres sont des chômeurs et des précaires. Ils préfèrent boire et faire la fête plutôt que de subir les contraintes du travail. Parmi eux figurent un baron déclassé qui conserve des réflexes bourgeois d’égoïsme et de sentiment de supériorité. Il y a surtout un voleur, rebelle et révolté. Il proclame sa haine des lois et de la société. Au contraire, un vagabond semble accepter sa vie de misère et de flânerie. Il préfère la fuite et le voyage plutôt que la révolte.

L’adaptation de Lacascade montre pourtant bien les motifs de révolte. Les oppositions de classe sont particulièrement saillantes. Face à cette précarité, se dressent des personnages qui incarnent l’arrogance du capitalisme roi. Le bourgeois ventripotent manie ainsi menaces et autoritarisme à l’envi. La propriétaire des logements se montre également fort désagréable. Mais il y a aussi un flic corrompu qui fréquente les bas-fonds mais se met évidemment au service d’un ordre social injuste.

Cette galerie de personnages illustre bien la démarche d’un Gorki pas encore embrigadé par le réalisme socialiste qui en a fait une icône stalinienne. Si les bourgeois se montrent féroces, les pauvres ne sont pas pour autant des anges vertueux. Le prolétariat est également traversé par des rivalités, des mesquineries et de la violence. Ensuite, cette pièce sur Les bas-fonds tranche avec le misérabilisme. Les pauvres ne s’excusent pas d’être pauvres. Plutôt que de pleurnicher sur leur misérable condition, ils préfèrent profiter pleinement des quelques plaisirs de la vie. En attendant l’insurrection.



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