Mac Miller, cuvée éternelle

Mac Miller, cuvée éternelle

Comme le nombre d’années qui ont séparés The Divine Feminine et Swimming, respectivement les quatrième et ultime album du kid de Pittsburgh. De la tristesse de sa mort naît la beauté de son album. A quoi bon laisser durer le suspense et accoucher d’une somptueuse éloge éternellement longue quand on peut tout simplement se contenter d’un « merci » et « bon voyage ». Oui, Malcolm aura su tirer profit de tout ce que la vie lui a mis en chemin. Jusqu’à ce funeste 7 septembre 2018.

 

Succès et doute

En deux ans, tout un chacun que nous sommes, peut se rendre compte d’un tas de choses ; rencontrer l’amour, grandir, subir des défaites puis gravir à nouveau l’échelle de la réussite, accepter ce que nous sommes, vivre avec notre monde, aussi bouchonné soit-il. Cette suprême dernière bouteille musicale lâchée par Mac Miller nage à travers un océan de thèmes, mais ceux énoncés quelques lignes plus haut en sont les principaux. « Vingt-cinq ans et ma vie essaie sans cesse de passer outre cette grande colline d’espoir dans un but précis » disait Linda Perry du groupe 4 Non Bondes dans leur succès que fut le titre What’s Up.

Oui mais voilà, de la célébrité naît la pression, et de la pression naît la dépression. Alors que le hip-hop de nos jours se joue des codes, s’accaparant champagne, Bentley et diamants scintillants, Mac était resté fidèle à ce qui avait fait son succès : agir comme un artiste et non comme un produit, en travaillant sur le fond et en cultivant la forme. Le temps aura fait évoluer son style, mais celui-ci n’aura jamais détruit le génie créateur qui somnolait en lui. Et quand certains artistes peuvent se vanter de critiques positives sur 4 à 5 morceaux d’un album en contenant 15, que dire de Swimming pour lequel tout est accompli.

 

Balade vers la mort

En treize morceaux, soit 58 minutes et 33 secondes, Mac Miller aura balayé, comme certains aiment le dire, le rap game. Entre acceptation de soi et dur constat sur son rapport à la drogue ou l’amour, c’est un jeune homme en détresse qui tirait déjà un constat sans appel sur sa vie oppressante. Mais comme tout artiste, c’est bel et bien dans les névroses que se cache les plus grandes œuvres ; cet irrévocable opus est une succession de câlins auditifs, une ribambelle sonore de violence agréable, qui touche l’âme, apaise l’esprit et chamboule le contemplatif. Aucune décomposition à chercher, ni de sous-entendus.

Malcolm se livre au rythme de productions valsantes, un temps jazzy, puis underground, un temps funky, et enfin rap. Le rapport à la mort y est prédominant, mais il n’entache en aucun cas ce qui restera certainement le projet le plus abouti de 2018, car au-delà de la funeste magie qui en émerge, la qualité des productions est minutieusement orchestrée. Que dire de ce casting, qui à de quoi faire pâlir bon nombre de « rappeurs ». Dâm-Funk, Flying Lotus, J.Cole, Snoop Dog, Devonte Hynes de Blood Orange, Pharell Williams, Thundercat. Cet ultime album est savoureux, il rafraîchit un rap aseptisé qui peine à se réinventer, et nous entraîne dans une ambiance étrange mêlant sinistre et onirisme. Il en dégage une puissance occulte, qui a finalement pris sens avec le tragique destiné que s’était dessiné Mac. Ciao l’artiste, et merci encore pour ce dernier-né éclaboussant.



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