La mécanique de l’ombre et le scribe Cluzet

La mécanique de l’ombre et le scribe Cluzet

Contre-espionnage, barbouzes, officines secrètes : le réalisateur Thomas Kruithof reprend toute l’ambiance du thriller politique. Son film La mécanique de l’ombre , présenté en avant-première au festival Cinemed, a l’originalité d’aborder cet univers nébuleux avec les yeux d’un homme ordinaire. Duval, interprété par François Cluzet, subit une longue période de chômage. Cet austère comptable est enfermé dans sa routine mais trouve finalement un boulot pour une mystérieuse agence dirigée par un certain Monsieur Clément (Denis Podalydès). Il doit se contenter de retranscrire des enregistrements sans poser de question. Mais Duval se trouve rapidement pris dans un engrenage où il est le maillon d’une chaîne qui oppose différents acteurs au sommet de l’Etat.

Un homme ordinaire qui bascule

« Le film part de l’idée d’un personnage qui fait un travail laborieux mais dont la trajectoire évolue progressivement », indique Thomas Kruithof. L’univers des renseignements des services secrets n’est pas décrit depuis les hautes sphères de l’Etat et de la police. Le spectateur peut rapidement s’identifier à ce personnage ordinaire. « Je voulais raconter cette histoire du point de vue d’un individu au bas de l’échelle », précise Thomas Kruithof. Ce personnage mutique est incarné par François Cluzet idéal pour jouer ce rôle. « Je savais qu’il saurait plonger dans la part sombre et lâche du personnage, tout en essayant de l’humaniser », justifie Thomas Kruithof.

Le cinéaste articule à l’écran un univers opaque: il n’y a pas de fichiers numériques comme dans l’affaire Snowden. Les enregistrements sont fait de bobines, retranscrits à la machine à écrire et les informations « Secret défense » sont écrites dans de simples carnets. Thomas Kruithof ne s’appuie pas sur une documentation importante pour concevoir son film. De toute manière, les espions sont par définition peu bavards sur leur activité actuelle ou passée comme l’illustre le personnage de Monsieur Clément, incarné par un Denis Podalydès glaçant.

 

Un thriller politique bien filmé

Mais La mécanique de l’ombre s’inspire de tout un imaginaire populaire. « Mon école, c’est de regarder les films. Je lis aussi la littérature de John Le Carré et je m’inspire des films américains paranos des années 1970 », précise Thomas Kruithof. Il a d’ailleurs intériorisé tous les codes du film noir et retranscrit son atmosphère spécifique en montrant les officines politiques et leurs relations avec les services secrets. Sans sombrer dans une théorie du complot, le film tourné en partie dans la grisaille de Molenbeek met en lumière des individus aux desseins mystérieux.

La photographie est soignée, les plans cadrent sur une architecture brutale, aux lignes de béton immenses qui accentuent le sentiment de perte de repères. Simon Abkarian et Sami Bouajila excellent, le premier dans un registre qui est le sien, le second dans un rôle inattendu et formidable de commandant à la DGSI.

Dans la tradition du thriller politique, La mécanique de l’ombre reprend également le regard critique sur la société démocratique. La surveillance et le contrôle de la population restent au cœur du film. Les libertés individuelles n’existent guère quand est invoquée la « raison d’Etat ». Le film évoque surtout une classe dirigeante totalement déconnectée du reste de la société où les chefs défendent leurs propres intérêts, prêts à tout pour conserver leur pouvoir.

La mécanique de l’ombre de Thomas Kruithof 

sortie en 2017

 



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